La page blanche, ma table d’existence, Bachelard
- Emmanuelle Jay
- 18 août
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 sept.
Bachelard, l'écriture et la page blanche

Un extrait de La flamme d’une chandelle de Gaston Bachelard.
« En somme, tout compte fait des expériences de la vie, des expériences écartelées, écartelantes, c’est bien plutôt devant mon papier blanc, devant la page blanche placée sur la table à la juste distance de ma lampe, que je suis vraiment à ma table d’existence. »
La peur de la page blanche et l’écriture thérapeutique
Face à une feuille vierge, beaucoup ressentent un vertige : rien ne vient, les mots semblent se cacher, les idées paraissent insuffisantes ou confuses. Cette **peur de la page blanche** n’est pas seulement un blocage créatif, elle touche à quelque chose de plus profond : le rapport à soi, à ses émotions et à l’expression de son intériorité. C’est précisément dans cet espace fragile que l’**écriture thérapeutique** prend tout son sens.
Comprendre la peur de la page blanche
La page blanche n’est pas seulement vide, elle agit comme un miroir. Elle renvoie à l’absence, au silence, à l’incertitude. Face à elle, surgit parfois la peur de ne pas être à la hauteur, de ne rien avoir à dire, ou encore de se confronter à ce qui pourrait jaillir une fois les mots déposés. Derrière le blocage, il y a souvent une exigence de perfection : vouloir trouver la bonne phrase, le bon ton, le texte « réussi ». La page blanche, dans ce cas, symbolise l’impossible maîtrise. Elle nous rappelle que l’expression de soi ne se contrôle pas totalement.
L’écriture thérapeutique comme ouverture
En art-thérapie par l’écriture, le but n’est pas de produire un texte littéraire, mais de se donner la liberté de déposer ce qui émerge. L’écriture devient alors un espace sans jugement, où chaque mot compte non pour sa beauté mais pour sa vérité. Loin de nourrir la peur de la page blanche, l’écriture thérapeutique invite à accueillir l’imperfection, le tâtonnement, la sincérité brute. Une simple phrase, même maladroite, suffit à briser le silence et à ouvrir un chemin.
Le passage du vide au plein
Le processus d’écriture thérapeutique ressemble à un passage. On part d’un vide – la feuille immaculée – pour aller vers un plein qui n’était pas anticipé. Ce qui surgit surprend souvent celui qui écrit. Parfois ce sont des souvenirs, parfois des émotions enfouies, parfois des images ou des intuitions inattendues. Chaque mot devient un pas, et peu à peu, la page se remplit. Ce mouvement de création est déjà une victoire : il témoigne que l’on peut transformer le silence intérieur en langage, et l’inconnu en matière vivante.
Apprivoiser la peur
Dans le cadre thérapeutique, la peur de la page blanche est accueillie comme un symptôme révélateur. Elle dit quelque chose du rapport à la parole, au désir de dire ou au secret. En travaillant avec cette peur, on apprend à ne plus la fuir mais à l’apprivoiser. Des consignes simples – écrire sans lever le stylo pendant cinq minutes, commencer par une liste de mots, décrire une sensation du moment – aident à débloquer le geste. L’important n’est pas de bien écrire, mais d’écrire malgré la peur, d’oser franchir ce seuil.
Un outil de transformation
Peu à peu, l’écriture thérapeutique transforme la relation à la page blanche. Ce qui apparaissait comme une menace devient un espace de rencontre. La page n’est plus vide : elle attend, elle accueille, elle offre un lieu où déposer ce qui pèse. Écrire devient un acte de soin : mettre en mots ses blessures, reconnaître ses désirs, explorer ses rêves. En ce sens, l’écriture est à la fois un miroir et un chemin, un espace d’exploration où l’on se découvre autrement.
La peur de la page blanche ne disparaît jamais totalement, mais elle change de visage quand on la traverse grâce à l’écriture thérapeutique. Elle devient une porte : derrière l’angoisse du vide, il y a toujours la promesse d’un mot, d’une phrase, d’une vérité intime prête à se dire.
.png)



