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Mes poings en forme de fierté, figures de style et thérapie

  • Photo du rédacteur: Emmanuelle Jay
    Emmanuelle Jay
  • 11 août
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 sept.

Les figures de style, la poésie et l'écriture thérapeutique


Les figures de style, la poésie et l'écriture thérapeutique






Je suis très heureuse de vous présenter mon texte « Mes poings en forme de fierté » publié sur le site de la Revue L’Autre.







Dans cette contribution, j’explore la rencontre entre la boxe et l’écriture poétique à travers des ateliers boxe‑écriture menés de juillet 2020 à septembre 2024 auprès de jeunes adultes en réinsertion.


✍️ L’article met en lumière le lien somato‑psychique que tisse l’écriture après l’expérience pugilistique — à partir des figures de style poétiques en lien avec les problématiques de précarité et d'exclusion.



Le lien somato-psychique que tisse l’écriture après l’expérience pugilistique


Dans l’espace singulier où se croisent la boxe et l’écriture, un lien profond se tisse entre le corps et la psyché. L’expérience pugilistique, avec ses gestes précis, ses impacts, ses respirations retenues ou libérées, imprime une mémoire somatique. Lorsqu’elle est transposée par l’écriture, cette mémoire devient matière symbolique. Le passage du coup porté au mot écrit fait naître un dialogue où le corps raconte ce que la parole seule ne saurait dire.


Du corps frappé au langage


La boxe engage une intensité physique qui ne laisse aucun recoin intact : muscles, souffle, réflexes, mais aussi peurs et désirs enfouis. Le ring devient le théâtre où se rejouent des luttes intérieures : esquiver, résister, rendre coup pour coup, tenir debout. Lorsque vient le temps de l’écriture, ce vécu corporel trouve une transposition. Le poing devient métaphore, le rythme des enchaînements se traduit en cadence poétique, la sueur en encre. Le langage se nourrit de cette énergie somatique et transforme l’impact en image.


Figures poétiques de la précarité et de l’exclusion


Pour des personnes marquées par la précarité ou l’exclusion, la boxe et l’écriture ouvrent un double espace d’expression. Le crochet, par exemple, peut devenir une figure de style : un geste brusque qui dit l’interruption, la cassure d’un parcours, la chute sociale. L’esquive, elle, se rapproche de l’ellipse poétique : ce qui est tu, contourné, indicible, mais qui continue d’habiter le texte. Quant au jab répété, il évoque l’anaphore, cette répétition obstinée qui traduit la persistance du manque, de la lutte quotidienne pour survivre.


La métaphore pugilistique sert alors à dire ce que les mots seuls ne suffisent pas à exprimer : l’expérience du rejet, le sentiment de frapper dans le vide, la fatigue de « tenir le round » dans un monde où l’on se sent relégué aux marges. L’écriture devient poème du combat, chant fragile mais tenace qui redonne une voix à ceux que l’exclusion réduit souvent au silence.


Un lien somato-psychique réparateur


En associant le vécu corporel de la boxe et l’élan symbolique de l’écriture, un lien somato-psychique se recompose. Le corps, éprouvé par l’effort, libère des tensions anciennes ; l’écriture, en retour, accueille et transforme ces vibrations en mots. Ce va-et-vient contribue à réintégrer des fragments de soi parfois dissociés par les épreuves de la précarité. Le texte devient alors le lieu où se relie ce qui était épars : le coup encaissé et l’émotion refoulée, la cicatrice et la mémoire, la chute et le désir de se relever.


Une esthétique de la lutte


L’écriture qui suit l’expérience pugilistique ne vise pas seulement à raconter : elle invente une esthétique de la lutte. Les figures de style, comme les gestes de boxe, scandent une résistance. L’allitération peut résonner comme un souffle haletant, la métaphore filer comme une série de directs, l’oxymore mêler la douleur et la beauté d’un même instant. Cette poétique, enracinée dans la chair, révèle que la vulnérabilité peut se muer en puissance expressive.


Ainsi, le lien somato-psychique que tisse l’écriture après l’expérience pugilistique n’est pas un simple exercice de style : il est un processus de **réappropriation de soi**. Pour celles et ceux que la précarité ou l’exclusion réduisent à des marges invisibles, il offre une scène où corps et mots se rencontrent, où le combat devient poésie, et où le silence se transforme en voix.




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