Écrire pour exister, sur les traces de Marguerite Duras
- emmanuellejay
- il y a 6 jours
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Dans Écrire, Marguerite Duras dévoile le lien viscéral qu’elle entretient avec l’écriture.
Lire ses mots, c’est entendre la voix qui nous pousse à écrire non pour produire, mais pour être.
Dans mon accompagnement en écriture thérapeutique, je retrouve souvent cette expérience chez les personnes que j'accompagne : l’écriture comme présence à soi, à l'autre, comme nécessité, parfois même comme salut.
Voici trois citations qui résonnent tout particulièrement avec ce que je vis et observe dans mon cabinet.
1. « Mon écriture, je l'ai toujours emmenée avec moi où que j'aille. »
L'écriture comme compagne de route, intime, fidèle, toujours présente, dans le plus beaux des voyages : celui que l'on vit en silence et immobile, le voyage intérieur. L'écriture naît dans le flow des mouvements que l'on observe en soi comme on le ferait face à un océan. Océan de pensées, d'émotions, constitué de profondeurs et d'une surface, non sans rappeler la psyché.
Pour beaucoup de celles et ceux que j'accompagne, l’écriture devient un espace-temps qui permet de rester en lien avec soi-même dans les pires tempêtes extérieures.
Cette phrase me rappelle à quel point l’acte d’écrire peut constituer une forme d’ancrage, un point fixe dans le tumulte de la vie.
Dans une séance d'écriture thérapie, on explore souvent cette question : qu’est-ce que l’écriture dit de moi, de mon histoire, de mon chemin ? Et peu à peu, chacun·e découvre que cette écriture-là ne cherche pas l'esthétique, mais l'authenticité. Elle ne veut pas séduire, mais dire.
2. « Se trouver dans un trou, au fond d'un trou, dans une solitude quasi totale et découvrir que seule l'écriture vous sauvera. »
Voilà peut-être la plus bouleversante des vérités que révèle l’écriture thérapeutique : elle surgit souvent dans les moments de rupture, de vide, d’urgence existentielle. L’écriture devient alors une planche de salut. Ce n’est plus une écriture pour raconter une histoire, mais une écriture vitale - pour ne pas sombrer.
Ce que je constate souvent, c’est que dans ce “trou”, dans cette solitude évoquée par Duras, les mots deviennent des repères, des lampes torches, des petits cailloux, un fil à remonter, un lien auquel s'accrocher. Écrire, c’est commencer à remonter vers la lumière, parfois à tâtons, parfois en pleurant, mais toujours avec ce mouvement vital.
3. « L'écrit ça arrive comme le vent, c'est nu, c'est de l'encre, c'est l'écrit, et ça passe comme rien d'autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. »
Il y a dans cette citation toute la magie, l’imprévisibilité et la puissance de l’écriture. Elle surgit, souvent sans prévenir, portée par une force plus grande que nous. Elle traverse, et dans cette traversée, quelque chose s’apaise, s’éclaire, s’aligne.
Ce qui me touche particulièrement, c’est cette idée que l’écriture est un phénomène vivant, presque organique. C’est ce que je cherche à transmettre : ne pas forcer les mots, mais leur faire de la place, leur ouvrir un chemin. Les accueillir comme on accueille le vent, les laisser nous traverser, sans chercher à tout maîtriser.
Tout au long de son livre, Marguerite Duras ne parle pas d’une écriture "pour faire joli", mais d’une écriture pour vivre.
C’est cette conviction profonde qui guide mon travail auprès des personnes que j’accompagne : écrire non pour faire œuvre, mais pour faire lien — à soi, aux autres, aux émotions, à la vie.
Et peut-être, à la force des mots, commencer à se (re)(co)n(naître).